Présentation
– Pseudonyme : Un dragon
– j’ai 23 ans
– Mon père a une SEP.
Témoignage
– Vivre avec un Père atteint de la Sclérose en Plaques ( bas du dos et des jambes )
J’ai toujours connu mon père malade. Mes plus grands traumatismes de l’enfance sont sans doute les moments où, avec mon frère et ma mère, nous l’aidions à se relever lorsqu’il n’avait plus de force. Je n’avais que 6-7 ans, et pourtant, nous luttions de toutes nos forces pour l’aider à surmonter cette impuissance. Cette douleur émotionnelle, cette sensation d’impuissance, sont encore aujourd’hui indescriptibles. J’ai également vécu des périodes où, jeune, j’avais des pensées suicidaires. Je me disais souvent : « Si un jour je suis aussi touché par cette maladie, je ne pourrais pas vivre avec, je me tuerai » Ou bien encore : « Si mon père meurt, je ne pourrai pas supporter la douleur, je le rejoindrai peu après » Ces pensées étaient une conséquence de la souffrance intérieure que je ressentais chaque jour.
– Une Adolescence Marquée par la Violence
Mon adolescence a été marquée par une grande souffrance. J’étais celui qui semblait être le plus affecté par la maladie de mon père, malgré le fait qu’il fût le malade. J’étais celui qui pleurait le plus, celui qui semblait être le plus touché émotionnellement. À cela s’ajoutaient des éclats de colère que je ne contrôlais pas, mais qui étaient souvent ma seule manière d’exprimer cette douleur intérieure. Ma famille et moi avons tous souffert, mais j’ai particulièrement été isolé dans cette souffrance.
Je n’ai jamais compris pourquoi j’étais le seul de ma famille à m’exprimer ouvertement sur cette maladie, à parler de la douleur que je ressentais. J’ai toujours cherché à comprendre pourquoi j’étais celui qui ouvrait la parole sur ce sujet si tabou, et pourquoi je me retrouvais à porter une part de cette souffrance qui n’était pas seulement la mienne.
Je me souviens encore des remarques dévastatrices qu’on m’adressait petit :
« C’est de ta faute si ton père est aussi mal », « C’est de ta faute si il a autant de poussées », ou encore « Ton malheur n’est rien comparé à ma maladie, je souffre vraiment, toi tu ne sais même pas ce que c’est ». Ces paroles, pleines de déni et de rejet, m’ont profondément marqué.
– L’Isolement et la Souffrance
Cette impression de ne pas avoir le droit de souffrir, de devoir toujours minimiser ma douleur face à celle de mon père, a été une épreuve très difficile. Enfant, je ne comprenais pas pourquoi ma souffrance semblait ne jamais compter. Cela m’a amené à me renfermer sur moi-même pendant toute mon adolescence, à me couper du monde, et à m’enfoncer dans une addiction au cannabis. J’ai sombré dans cette dépendance de mes 16 ans jusqu’à mes 22 ans et demi, une fuite désespérée face à une douleur que je ne savais plus comment gérer.
Les moments les plus durs de mon enfance ont été ceux où il fallait pousser mon père en fauteuil roulant, à chaque sortie, chaque déplacement. Voir un parent qui était autrefois partiellement autonome devenir dépendant et ne pouvoir plus faire ce qu’il faisait avant a été déchirant. Je n’ai jamais pu faire d’activités physiques avec lui, ni pratiquer ce qu’un enfant attend d’un père. Voir son état empirer, ses jambes de plus en plus faibles. Il devenait de plus en plus fragile, et moi, je devenais de plus en plus impuissant.
– La Force de la Résilience
Aujourd’hui, après beaucoup de travail sur moi-même et de réflexion pendant cette période de repli, je ressors plus fort. Bien sûr, des failles sont encore présentes, mais elles font partie de moi. Je réussis à avancer, à suivre ma propre voie, et à voir dans cette souffrance quelque chose de beau, voire même de magique.
Je n’ai jamais haï mon père. Je l’aime, je l’aime tellement… Nous avons souffert, et nous souffrons encore, mais depuis que j’ai arrêté définitivement le cannabis il y a six mois, je remarque un apaisement dans notre relation. Nous parvenons désormais à avoir des discussions calmes, sans colère, et à exprimer notre amour de manière timide, mais sincère.
Bien sûr, dans ce témoignage, je me suis principalement concentré sur mon expérience personnelle. Ma famille, à l’époque, était très réservée et silencieuse, et chacun a vécu la situation à sa manière. Cependant, plus j’ouvre le dialogue, plus je me soigne et soigne aussi notre si belle famille.
Mon grand frère a également beaucoup souffert de cette maladie étant petit, tout comme moi, je l’ai appris lorsque nous nous sommes rapprochés pendant le lycée grâce ou à cause de notre addiction commune.
Mais ce que je voudrais ajouter avant tout, c’est que ma mère… ma mère est sans doute l’une des personnes les plus courageuses et aimantes que j’aie jamais connues. Elle n’a jamais failli. Elle a toujours gardé le sourire, malgré sa propre douleur et sa tristesse. Sa force a été un pilier pour nous, et je lui en serai toujours profondément reconnaissant.
Si j’avais une recommandation ou un conseil à donner :
La sclérose en plaques est une maladie extrêmement difficile à supporter, tant pour le malade que pour sa famille. Ceux qui l’entourent en souffrent aussi profondément. Mon premier conseil serait de ne pas hésiter à se faire aider, à parler à des professionnels, ou à rejoindre des groupes de parole. Ouvrir son cœur et partager ses souffrances est essentiel. N’ayez pas peur de demander de l’aide. Il est crucial de parler de ses vécus et de ses traumatismes, même si cela semble difficile au départ.
Pour conclure :
Ce témoignage est une invitation à ne jamais se taire. La maladie, qu’elle touche un parent ou un proche, affecte toute la famille. Mais parler, comprendre et chercher de l’aide peuvent permettre de surmonter cette épreuve. La souffrance est partagée, et l’amour, bien que fragile, peut guérir.
Un dragon, nous vous remercions pour votre témoignage.
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