Vous pouvez retrouver le questionnaire témoignage et y répondre si vous le souhaitez.
Ce questionnaire a été modifié…

Qu’avez-vous envie de dire, de témoigner pour aider les futures mères et futurs pères ?

Ce questionnaire s’adresse autant aux femmes qu’aux hommes.

Vous pouvez parler de votre choix d’avoir un enfant, du déroulement de la grossesse, de l’arrivée de cet enfant, du regard de la famille et de l’entourage, comment avez-vous annoncé à votre enfant la maladie dont vous souffrez ?

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Isabelle, 47 ans, diagnostiquée SEP à 19 ans. J’ai eu 2 enfants. Je vous transmets un extrait d’un témoignage que j’ai écrit sur l’évolution de ma maladie qui n’a, par chance, pas été trop invalidante. Je pense qu’il est important que chacun sache qu’il peut y avoir une vie après le diagnostic. J’ai beaucoup écrit et l’écriture m’a aidée dans le sens où elle m’a un peu servi d’exutoire et de suivi psychothérapeutique. J’ai envoyé mon texte à des éditeurs. Il n’avait certainement pas d’intérêt littéraire, mais il me permet aujourd’hui d’en tirer des extraits dans le cadre d’un sujet bien précis.

Les premiers pour qui j’ai voulu me battre, ce sont mes enfants. Ils m’ont aidé, involontairement, à m’acharner et à prendre le taureau par les cornes, même aux moments les plus difficiles. L’Amour des enfants, celui qui est désintéressé et innocent, est le meilleur guide et le meilleur stimulant de la vie. Il est fondamental dans la mienne. Mes enfants sont mes raisons de vivre !

Je me suis mariée à 25 ans et un an plus tard, malgré mes problèmes de santé nous avons souhaité avoir un enfant. Cette idée s’était insinuée dans mon esprit. Dans notre tranche d’âge, nos amis, s’y mettaient tous les uns après les autres. Je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas en faire autant. J’avais toujours voulu vivre “normalement”, comme les autres. Je voulais que nous fondions une famille. Mon mari, lui, a toujours été le plus raisonnable de nous deux. Il hésitait à sauter le pas. Sa prudence lui soufflait que tout cela était un peu fou. J’ai discuté de mon idée avec mon neurologue qui ne m’a pas paru contre. Il faut préciser que l’évolution de la maladie est, en général, suspendue pendant les grossesses. Mon gynécologue m’a encouragée. Ma force de persuasion, mon obstination, l’ont emporté sur les réticences de mon mari. Nous avons donc décidé de tenter de mettre en route un bébé.

Lors du premier mois qui a suivi notre décision, j’ai été enceinte. Je n’ai pas du tout vécu cette période dans un cocon. Nous avons continué notre route et nous sommes même partis en vacances alors que j’étais enceinte de presque 7 mois

La naissance de mon fils a été un des grands moments de mon existence. Je savais que je n’aurais pas d’anesthésie péridurale. Celle-ci était, en effet, contre-indiquée dans le cas d’une sclérose en plaque. Mon fils est né assez rapidement et sans trop de mal. Il faut dire que le bébé n’était pas trop gros, il était passé sans difficulté. L’année de naissance de mon fils a été la première d’une suite de six années heureuses pendant lesquelles je n’ai plus eu aucun symptôme.

Le bébé avait commencé très tôt à faire des angines et il avait été très souvent malade. Les nuits étaient souvent courtes et agitées. Cette période a été difficile pour moi qui subissais une fatigue chronique liée à mon état de santé. Tout ceci explique pourquoi nous avons mis aussi longtemps pour programmer le second enfant. J’ai mis quelques années à avoir envie de renouveler l’expérience. Le premier avait quatre ans.

La naissance de ma fille a été encore plus facile que celle de son frère. J’ai été très surprise de constater qu’un bébé pouvait passer les nuits à trois semaines sans déranger sa maman. Bien sûr, les nuits n’étaient pas très longues au début, mais elles n’étaient pas interrompues et pour moi c’était parfait.

L’année qui a suivi cette naissance a été celle de nouvelles perturbations de mon système nerveux. J’ai recommencé à avoir des troubles sensitifs et de légers problèmes moteurs. Sachant pertinemment ce qui m’arrivait, j’ai immédiatement pris contact avec mon médecin.

J’avais la chance de ne pas me laisser facilement abattre. Les atteintes de mon système nerveux étaient assez espacées et j’avais le temps de récupérer entre deux alertes. J’avais aussi la chance de vivre à une époque où la médecine a fait des progrès énormes et où elle continue à en faire tous les jours. L’espoir que cela apportait était un atout non négligeable.

Pendant des années, nous avons évité de parler de mes ennuis de santé pour que je puisse garder mon emploi. J’étais soulagée d’avoir tenu presque dix ans de cette manière. Il m’arrivait de trouver ce secret très lourd et j’attendais avec impatience de pouvoir en parler aux autres et surtout à mes enfants. Cela les aurait peut-être rendus plus compréhensifs face à de petites défaillances que je m’efforçais de camoufler.

Lors d’une entrevue, le neurologue m’avait proposé un livre pour expliquer ma maladie à mes enfants. Je me rappelle très bien l’avoir refusé en argumentant que tant qu’elle ne se remarquait pas, tant que je pouvais la leur cacher, je n’avais pas de raison de les inquiéter avec cela. En dehors des poussées et pendant plus de vingt années, j’ai eu la chance de pouvoir vivre presque comme si ma maladie n’existait pas.

Les disputes des enfants étaient épuisantes, mais ils m’apportaient beaucoup de joie et de bonheur. Ils étaient ma raison de vivre. Ils rythmaient les semaines en apportant du mouvement, de la spontanéité et de l’inattendu.

Je n’étais plus tout à fait adaptée à notre monde où tout va si vite. Je ne voulais plus me cacher. Après avoir beaucoup réfléchi, j’ai fini par me dire qu’il valait peut-être mieux jouer cartes sur table et laisser de côté un peu de ma chère fierté.

Lors d’une poussée, j’ai réclamé le fameux livre qu’on m’avait déjà proposé pour aborder la question de la maladie avec mes enfants ! Je ne voulais pas, qu’ils s’imaginent des tas de choses sans rapport avec la réalité. Jusque là, je n’avais eu aucune raison de les inquiéter avec une maladie qui ne se manifestait pas de manière très évidente, mais j’estimais qu’il était temps d’aborder la question. J’ai lu le petit livre que mon médecin m’avait donné avec mes enfants, qui avaient alors 11 et 6 ans : « Ernestor le castor ». Je dois dire que je ne le sentais pas tout à fait adapté à ma situation. Les ouvrages qui parlent de la sclérose en plaque parlent surtout des personnes atteintes de handicaps moteurs importants, ce qui n’était pas mon cas. Il me fallait faire comprendre à mes enfants que cette satanée maladie s’attaquait à tout et n’importe quoi. Il serait possible, à l’avenir, que je sois à nouveau hospitalisée. L’hospitalisation devait être considérée non comme une catastrophe, mais comme le seul moyen de faire face à un problème momentané.

J’ai été en arrêt de travail parce que j’étais très fatiguée, mais cela n’a pas beaucoup arrangé les choses. Le soir, après 20 heures, je m’endormais quand je n’étais pas en mouvement et le matin, j’avais un mal fou à me lever. Après ma journée de travail, je n’avais pas beaucoup de temps pour profiter de la vie. J’étais découragée. Je ne savais pas si ce découragement entraînait la fatigue ou si c’était le contraire, mais je crois que les deux sont intimement liés.

Pour prendre les choses en main, j’ai accepté de prendre des médicaments et nous avons entamé des démarches pour alléger mes horaires de travail.

Après quelques années d’activité à mi-temps pendant lesquelles j’ai plus ou moins été mise à l’écart. J’étais chargée des petits travaux sans intérêt et mes collègues, plus rapides et mieux au courant du quotidien se chargeaient de tout ou presque. L’entreprise dans laquelle je travaillais a fini par mettre en œuvre un plan social pour tenter de redresser la barre. J’ai donc été licenciée. Je pouvais admettre le choix qui avait été fait mais j’étais révoltée. J’avais beaucoup d’ancienneté dans l’entreprise, 2 enfants à charge et des ennuis de santé qui rendraient forcément ma réinsertion plus difficile que celle d’un autre.

J’ai décidé de m’impliquer dans le monde associatif en tant que bénévole.

Aujourd’hui, je me fais toujours 3 injections d’interféron par semaine. J’aimerais savoir si elles ont eu une incidence dans le déroulement de la maladie. L’évolution aurait-elle été différente, si j’avais cédé à l’envie de tout envoyer balader ?

Quoi qu’il arrive, je suis bien décidée à profiter de la vie comme elle se présente, au jour le jour. Chaque moment est important, il est une partie de ce tout que je construis chaque jour. L’édifice n’est pas si bancal que ça, j’ai même réussi à le rendre assez solide. J’ai décidé d’apprécier de pouvoir prendre mon temps. Quel luxe dans ce monde d’individus pressés !

Après presque 30 ans passés en sa compagnie, ma sclérose n’a laissé que des plaques presque invisibles aux yeux des autres. Il m’arrive souvent de chercher mes mots. Je tourne ma phrase différemment et je m’en sort. C’est fatigant, mais je crois que c’est surtout parce qu’à ce moment-là, je me rends très bien compte de mon problème. C’est la même chose pour les pages que je viens de lire dans un livre. Il est difficile de suivre l’histoire d’un roman quand on ne se rappelle pas des chapitres précédents. J’oublie les titres des films que j’ai vus et je suis incapable de conseiller à une amie d’aller voir tel ou tel chef d’œuvre cinématographique qui m’a marquée. Quant à mon sens de l’orientation, perturbé sans doute par ma mémoire défaillante, il ne s’améliore pas.

L’évolution s’est plus ou moins stabilisée. Il semble que je suis passée à un stade de forme plutôt progressive de la maladie. Elle avance lentement, me laisse du temps. J’ai un peu peur de l’avenir quand même. Qu’est-ce qui m’attend ? Va-t-elle s’arrêter là ? J’en doute. Jusqu’où tout cela va-t-il me mener ? Il faut s’accrocher, y croire et se battre. Depuis le début, l’évolution des traitements a été phénoménale. Je suis passé de 15 jours de perfusion à 3 pour une poussée, on peut faire les perfusions à domicile sans hospitalisation et l’interféron permet de gagner 5 à 10 ans sur l’évolution de la maladie. Physiquement, je me porte plutôt bien. J’ai toujours pensé qu’un jour viendrait où l’on trouverait un moyen de reconstituer la gaine de myéline qui a été détruite. La recherche progresse et l’avenir me semble prometteur.

J’ai appris à dire non quand il n’est plus possible d’en faire plus. Je prends le temps de respirer. Je me consacre maintenant à ma famille et à mes activités de formation dans le monde associatif. Je n’ai plus de compte à rendre à personne et surtout, je vis à mon rythme plus lent. J’assume !

A ce jour, mon fils de 20 ans a réussi tout ce qu’il a entrepris dans la vie. Ma fille, va avoir 16 ans cette année et réussit très bien sa scolarité, mais l’adolescence laisse présager plus de difficultés de dialogue, surtout avec son père qui aime la taquiner. Ceci laisse présager de l’animation dans l’avenir. Quoi qu’il en soit, elle m’a avoué avoir gardé « Ernestor le castor » dans sa table de nuit et elle aime beaucoup le relire même si je l’avais trouvé un peu inadapté à notre situation, il y a quelques années.

Les deux citations que je préfère :
« Puisqu’on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles » (James Dean)

« On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin » (Johann Wolfgang von Goethe)


Je vous remercie pour votre témoignage.
Propos recueillis par Sylvaine Ponroy
APF Ecoute Infos (Février 2009)