L’annonce de la maladie

Compte-rendu de la réunion d’information animée par Cécile TEYSSIER, référente Groupe SEP de l’ APF, département du Rhône
Le mercredi 10 décembre 2003.

Apprendre que nous sommes atteints d’une sclérose en plaques, c’est-à-dire d’une maladie avec laquelle il faudra vivre tout le reste de sa vie, une maladie qui nous privera sans doute de certaines possibilités physiques, qui nous fera peut-être souffrir, qui nous imposera des soins ou des examens contraignants entraîne un important bouleversement émotionnel. Tout paraît s’effondrer, rien n’est plus comme avant. Les pleurs, le désespoir, les interrogations, l’angoisse sont rarement absents.

«Tout pouvait être projet, l’avenir avait un sens. Maintenant, je sais que des choses me sont interdites à tout jamais. Peut-être même que les autres ne me trouvent plus ‘aimable’ (au sens être aimé).
»

Le deuil s’inscrit dans la vie de chacun

Personne n’échappe au travail du deuil, ne serait-ce que par rapport à la vieillesse avec son lot de misères et la vue d’un corps qui se dégrade inéluctablement. Si nous y pensions constamment, ne serions-nous pas effrayé à l’idée de vieillir ?
Vivre un deuil est un processus par étape. C’est un phénomène universel, un travail à accomplir. Nous devons nous détacher de notre vie antérieure, nous devons renoncer pour renaître à ce que nous sommes devenus. Nous vivons à la fois la dimension de perte, à la fois un mouvement de renaissance. ” Le deuil c’est mourir à soi-même pour renaître à autre chose “, c’est un changement d’identité, positif ou négatif selon ce que veut ou peut la personne.

Mais que perdons-nous à l’annonce du diagnostic ?

Un idéal : un corps sain

Un corps en bonne santé est un corps qui permet de jouir, d’avoir du plaisir, mais aussi de se déplacer, d’avoir l’énergie d’agir dans le temps, d’avoir conscience de ce que nous faisons, sans autre préoccupation que ce que nous entreprenons. Inconsciemment, au quotidien, si nous n’avons pas conscience de la maladie, nous sommes tout-puissants, tout est possible, nos limites ne sont pas définies, car avant l’annonce de la maladie, la question des limites ne se posait pas.

C’est le deuil de cette toute puissance qu’il va falloir entamer, comme tout être humain, mais dans notre cas de malades atteints de SEP, nous n’avons pas le choix car la réalité s’impose au quotidien concrètement et douloureusement. Nous devons sortir de notre bulle primitive où tout va bien, rien ne nous atteint et tout nous est possible. Pourquoi ? Parce ce que cela n’est plus la réalité.

Si nous continuons à faire semblant, nous allons être en décalage avec une réalité de plus en plus pesante et douloureuse. Nous devons dépasser le déni de la réalité, situation pour un moment confortable, le temps de nous remettre de nos esprits après le choc de l’annonce, le temps de rassembler nos forces pour affronter une épreuve nouvelle et inconnue.

Il ne faut pas rester dans cet état d’enfermement dans le passé, dans la fuite ou de se lancer dans la sur-occupation sans avoir mûrit le problème. Cette attitude de déni est donc nécessaire mais si elle est poursuivie, elle demandera une énergie qui coûtera cher au physique et au moral. L’énergie serait dépensée au tout va bien alors qu’elle devrait être à présent mise au profit de je suis réellement malade.

La douleur de l’annonce du diagnostic

Cette annonce va engendrer une violence, une agressivité, aussi bien vécu par le malade que par l’entourage. Mais la violence et les conflits sont mal vécu par notre société, il peut alors arriver que la personne retourne la violence sur elle et qu’elle éprouve un désir d’en finir jusqu’à pouvoir passer à l’acte (se couper de tout, avoir un comportement alcoolique, toxicomane ou faire une tentative de suicide).

Cette idée engendre souvent la culpabilité surtout si c’est l’entourage qui exprime un rejet de la personne. Il faut accepter cette violence, elle n’est pas un reproche vis-à-vis de l’entourage, elle est simplement l’expression d’une souffrance. Il faut en canaliser les effets.

Ces moments de colère, vont tour à tour se mêler à des épisodes de relâchement et de découragement. La personne entend le diagnostic dès lors qu’elle sort du déni. Elle entre alors en dépression, en remise en cause du sens donné jusque là à sa vie.
Pourquoi ? En vu de quoi ? A cause de quoi ? Ce que nous avons investi psychiquement pour se représenter soi-même et son corps va devoir changer, parce que le corps a changé et que nous ne sommes plus pareils. Les représentations mentales doivent être en adéquation avec la réalité, et c’est ce travail qu’il va falloir commencer. Ce travail n’aurait pas lieu d’être si le diagnostic n’avait eu lieu.

Comment redonner du sens ?

” Je veux bien vivre la SEP mais il faut que cela ait du sens : je marchande ”

L’énergie que nous dépensons dans cette maladie en terme de douleur et d’angoisse doit nous permettre d’appréhender de nouvelles représentations en adéquation avec notre nouvel état. Notre physique a changé, notre enveloppe psychique aussi, tiraillés par la maladie. Il faut réinvestir dans de nouvelles représentations pour y canaliser notre énergie, restée libre depuis notre rupture de sens à l’annonce de la maladie. Il faut donc se représenter un corps différent, réellement malade mais nouveau. Cette différentiation permet le passage de l’identique (un corps humain avec les mêmes besoins physiologiques que tout le monde) au différent (un physique qui se distingue, une personnalité particulière, une sensibilité unique).

Mais c’est aussi dans la cohérence de sa personnalité que le sujet se distingue des autres. Les nouvelles représentations s’accompagnent d’un nouveau sens à la vie. Ce qui arrive dans l’existence n’est pas injuste, cela arrive c’est tout ; à la personne de se construire en s’y adaptant. Même si la maladie est une expérience douloureuse et pénible, elle instaure un autre rapport avec le corps, avec les autres, avec le sens de notre vie ; elle nous amène à expérimenter notre impuissance, à appréhender les choses différemment d’une façon plus sensible, plus profonde.

La richesse de la différence que nous en retirons est qu’il n’y a plus de bulle idéale, primitive et universelle comme au début, mais une personnalité plus complexe, riche de nouvelles expériences et d’un savoir personnel sur sa vision de la vie. Bref nous découvrons une capacité à nous adapter à des situations difficiles en restant soi-même et en se découvrant capable d’assumer l’adversité.

S’ouvrir

Le travail du deuil, dès lors qu’il a permis la reconstruction du Moi, de la personnalité, se poursuit par une ouverture au monde extérieur qui mettra à profit la richesse acquise précédemment, l’énergie nouvelle puisée dans la réussite de cette nouvelle expérience.
Ce que la maladie nous prive de faire, nous allons quand même le faire, mais adapté à nos capacités. Nous allons même envisager de faire des choses auxquelles nous n’aurions jamais eu envie si nous n’avions pas appris que nous avions la SEP. C’est un excellent moyen de dominer la maladie, à la différence du déni, car cette fois-ci, nous sommes conscients de ce pourquoi nous le faisons, en adéquation avec ce que nous sommes réellement.

Réunion d’information animée par Cécile TEYSSIER

Référente Groupe SEP de l’ APF, département du Rhône

Le mercredi 10 décembre 2003 (Intégration au site le 29/04/04).