«Quand une personne souffre de la SEP, son entourage doit, lui aussi, vivre avec la maladie. Bouleversement personnels, professionnels, peur de l’avenir, besoin d’en savoir plus, de ne pas la laisser envahir la relation : autant de situations à affronter pour le conjoint, le parent, l’enfant, l’ami». Témoignages. Article dans notre supplément FAIRE FACE SEP N° 3 de juin 2006. Valérie Di Chiappari, journaliste.

Proches : la maladie au quotidien

Quand une personne souffre de la Sep, son entourage doit, lui aussi, vivre avec la maladie. Bouleversements personnels, professionnels, peur de l’avenir, besoin d’en savoir plus, de ne pas la laisser envahir la relation : autant de situations à affronter pour le conjoint, le parent, l’enfant, l’ami. Témoignages.

Gérer l’incertitude de l’avenir

Depuis avril 2005, le mari de Maryse, André, est paraplégique, suite à la dernière poussée de sa sclérose en plaques qui évolue depuis plus de vingt ans. « Le plus dur, c’est de se retrouver brutalement seule pour assumer la vie de la maison et l’organisation des activités de nos trois enfants. » Conséquence : Maryse a dû changer son rythme de travail. Infirmière dans une clinique, elle fait désormais la nuit pour rester à la maison le jour. « Voir l’état de mon mari se dégrader, c’est très dur. J’ai dû apprendre à gérer l’incertitude permanente qui pèse sur notre avenir, sinon la vie devient vite insupportable. Il y a quelques années, j’étais dans le déni et la colère, avec l’impression de me cogner la tête contre un mur. J’avais beaucoup de mal à comprendre et à accepter sa grande fatigue, ses pertes de mémoire. Cette maladie ébranle le couple et il faut reconstruire une image positive de son conjoint, ce qui n’est pas facile. Maintenant, j’accepte André comme il est. J’aborde ma vie différemment : au jour le jour, en profitant au maximum. » Pour y arriver, Maryse a accepté de se faire aider par des professionnels. Elle a également participé à la création d’un groupe de parole pour les conjoints. « Cela a duré quatre ans et m’a permis de me sentir moins isolée, moins submergée par la situation. En échangeant avec d’autres personnes, j’ai pu prendre du recul et cette aide m’a été très précieuse. »

À l’affût de toutes les informations

Pierre* a depuis peu la confirmation de la maladie de sa fille, Caroline*, 34 ans. « J’ai aussitôt pensé à un chef d’entreprise très performant, rencontré dans le cadre de mon activité d’informaticien. En fauteuil roulant, avec de très graves difficultés d’élocution, il avait conservé sa capacité d’analyse et son intelligence. Mélange de positif et de négatif, sur fond de handicap physique très lourd, voilà l’image que j’avais de la Sep. » Très vite, il se demande si le dynamisme et la motivation de Caroline, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle, peuvent l’aider à surmonter sa maladie. « Je suis à l’affût de toutes les informations pour comprendre au mieux les besoins de ma fille et l’encourager dans ses nombreux projets. » Il s’est ainsi rendu à un groupe d’échanges sur le thème “Vie professionnelle et Sep”, en présence de personnes atteintes. « Avec mon esprit cartésien, je pensais repartir avec des quasi-certitudes. Ce ne fut pas le cas mais j’ai pu mieux appréhender l’évolution sournoise et imprévisible de la Sep, la fatigue intense qu’elle génère, les effets secondaires liés aux traitements… Avec une note d’espoir sur la possibilité de continuer à travailler. Je veux être lucide mais optimiste. »

* Les prénoms ont été changés.

Se sentir la mère de sa mère

Les deux sœurs et le frère d’Amandine ont quitté la maison. À 19 ans, la cadette de la famille vit depuis trois ans, seule avec sa mère, Arlette, qui a élevé ses quatre enfants après son divorce. C’est la jeune femme qui s’occupe de la maison et des courses car Arlette se fatigue très vite et marche de moins en moins. « Parfois, c’est un peu dur à gérer avec mes études mais la maladie de ma mère m’a conduite à assumer très vite pas mal de responsabilités. » La Sep a influencé les relations entre les deux femmes. « Plus je vieillis, plus je me sens la mère de ma mère. Je la protège et quand ça ne va pas, je ne le montre pas : elle a déjà assez de soucis comme ça ! » En septembre prochain, Amandine, en dernière année de bac professionnel en secrétariat, devrait aller poursuivre ses études ailleurs. Un choix difficile à faire, même si sa mère l’encourage à décider indépendamment d’elle. « Au début, je ne voulais pas partir mais comme elle a un ami, je me sens un peu rassurée. » Reste une forte inquiétude quant à l’avenir. « Avant, la Sep ne me faisait pas peur mais là, je me rends compte que sa maladie avance très vite et je me demande ce qui va se passer. »

Ne pas se focaliser sur la maladie

« Je connais la gravité de la maladie de mon père. Je l’accepte tel qu’il est, avec les limites imposées par la Sep. J’ai appris à repérer ses signes de fatigue et je préfère lui répéter trois fois la même chose plutôt que de lui faire remarquer que nous en avons déjà parlé. » Pourtant, pour Thierry, il est très important de mettre la maladie à distance dans sa relation avec son père, Alain. « Nos conversations ne sont pas focalisées là-dessus, ce serait invivable et cela nous empêcherait d’avoir une vie normale. Apprendre à mettre de la distance ne signifie pas être indifférent. » Avant d’être muté en Vendée où vivent ses parents, Thierry travaillait à 500 km de là et leur rendait visite tous les week-ends. « J’ai souhaité me rapprocher de ma famille et je l’aurais fait même si mon père n’était pas malade. Je fais des choix et ils ne sont pas forcément liés à la Sep de mon père, heureusement. »

Amies comme avant

Yveline et Nicole, amies depuis vingt-huit ans et infirmières à la retraite, se sont connues lorsqu’elles travaillaient toutes deux dans le même hôpital toulousain. À 39 ans, Nicole a appris qu’elle avait une Sep. « Cela faisait treize ans que nous nous connaissions et Nicole n’avait pas pour habitude de me déverser ses problèmes sur la tête. Sa maladie n’a rien changé à notre relation. Notre amitié s’est poursuivie avec force, sans que la Sep ne vienne la parasiter. » Même si Nicole a demandé à son amie de l’accompagner dans certaines démarches, leurs échanges ne se sont jamais résumés à la Sep. « Nous parlons de nos enfants, de livres, de politique, de tout ce qui nous rapproche. Avant, nous fonctionnions beaucoup sur le mode de la dérision et nous avons continué. C’est une personne battante qui s’est prise en main très vite, une fois le premier choc passé. Elle fait preuve d’une très grande lucidité face à sa maladie et jamais elle n’en fait supporter le poids à autrui. »