Quelle est la place de la balnéothérapie
dans la prise en charge de la sclérose en plaques ?

Le Dr Gallien et son équipe du Centre MPR Notre Dame de Lourdes à Rennes font le point sur l’utilisation de l’eau en thérapie. (septembre 2007)

P Gallien, B Nicolas, S Pétrilli, S Robineau, J Houedakor, A Durufle.

Centre MPR Notre Dame de Lourdes, 54 rue St Hélier 35 000 Rennes

Clinique de la Sclérose en plaques, CHU Pontchaillou, Rue Henri Le Guilloux 35033 Rennes cedex

Correspondance :Dr Philippe Gallien Centre MPR Notre Dame de Lourdes, 54 rue St Hélier 35000 Rennes

L’utilisation de l’eau en thérapie est connue et validée depuis longtemps, déjà pratiquée dans la Rome antique. Dans le cadre de la sclérose en plaques l’activité en piscine pose deux questions : la pratique de l’activité physique pour une personne atteinte de SEP et celle de l’influence de la température sur la maladie.

Nous aborderons ces deux éléments successivement, après avoir refais le point sur le bénéfice de la balnéothérapie.

Intérêt de la balnéothérapie

L’utilisation de l’eau permet de limiter les effets de la pesanteur, donc de faciliter le mouvement. Les troubles de l’équilibre et de la coordination vont ainsi être améliorés, sous réserves bien sûr qu’il n’y ait pas de courants qui sont déstabilisant mais peuvent être utilisés pour travailler l’équilibre. La diminution des contraintes de la pesanteur permet d’avoir une mobilité plus grande et de retrouver une autonomie de déplacement dans l’élément liquide.

L’eau a également des vertus antalgiques et décontracturantes notamment quand elle est utilisée en hydro massage, avec des jets. La température de l’eau est un élément important : la chaleur a des propriétés antalgiques, et sédatives. Si le froid est également antalgique, le bain froid est souvent moins bien supporté, pourtant il peut être extrêmement intéressant dans le cadre de la sclérose en plaques. Les conséquences des changements de température sur la symptomatologie clinique sont bien connues, avec classiquement une aggravation par la chaleur (1,2,3). En fait l’influence de la température est variable selon les individus. Certaines personnes sont dites thermosensibles, avec une modification des symptômes en fonction des variations de température. Nous avons ainsi constaté, sur une population de 191 personnes atteintes de sclérose en plaques, que la sensibilité à la température: était présente chez 147 patients (soit 77%) avec une aggravation liée à la chaleur pour 104 patients (soit 54% de la population totale) et une amélioration par le froid pour 82 patients (soit 43% des patients) (4). White (5) a démontré un bénéfice très net d’une balnéothérapie froide ( 18°C) sur les performances à la marche de 6 patients thermo-sensibles : les patients après un bain froid amélioraient leur vitesse de marche et la qualité de celle-ci. Le bénéfice du froid est malheureusement transitoire.

La température recommandée pour les bains froids est généralement aux alentours de 20-24°C, température habituelle des piscines, le principe étant de diminuer la température corporelle. Un bain n’est donc réellement considéré comme chaud que s’il dépasse la température corporelle soit 37°C. En pratique plus la température est proche de 37°, plus la durée d’exposition devra être élevée pour obtenir un bénéfice clinique.

L’effet des variations de température doit donc être analysé au cas par cas pour chaque individu.

Le deuxième aspect de la question est celui du bénéfice de l’activité physique et dans le cas précis de l’aquagym. Diverses études scientifiques ont contribué à apporter des éléments de réponse (6). Ces études se sont concentrées sur l’effort physique en aérobie, concernant donc un effort physique en endurance. Le seuil au delà du quel une personne commence à puiser dans son métabolisme anaérobie, et donc dans ses réserves énergétiques induisant une sensation de fatigue, peut être assez facilement déterminé. La technique la plus précise est celle de l’épreuve d’effort : le sujet fournit un effort calibré par pallier, avec une surveillance continue du travail cardiaque (tension artérielle, et rythme cardiaque), de la consommation d’oxygène et de la synthèse d’acide lactique. Le niveau d’effort maximal en aérobie, associé à une fréquence cardiaque, est ainsi déterminé.

Ce niveau d’effort servira de point de repère pour la mise en place du programme d’activité physique. La deuxième solution, plus simple en pratique courante, est l’utilisation de formule théorique faisant intervenir l’âge de la personne pour déterminer la fréquence cardiaque seuil (égale à 220-âge). L’activité physique autorisée ne devra pas induire une augmentation supérieure à 70% de la fréquence cardiaque seuil. Il suffit ainsi de surveiller ses pulsations cardiaques pour gérer au mieux sont activités physiques.

Gehlsen (7) en 1984 qui a étudié sur 10 patients les effets de l’exercice musculaire global en piscine au rythme de 3 séances d’une heure pendant 10 semaines, avec une surveillance du rythme cardiaque. Une augmentation de force musculaire était observée ainsi qu’une diminution de la fatigabilité musculaire. Plusieurs études ont ensuite confirmées ce premier travail notamment l’absence d’aggravation neurologique liée à l’exercice physique. Sur une population de patients conservant des capacités de marche Petajan (8) a ainsi montré, sur une étude comparative, qu’avec un exercice en aérobie sur bicyclette mixte (bras et jambe) 30 minutes 3 fois par semaine pendant 15 semaines, on obtenait une meilleure adaptation à l’effort, une augmentation de la force musculaire globale, une diminution de la sensation de fatigue et l’absence d’aggravation neurologique. Plusieurs études par la suite ont confirmés l’intérêt du réentraînement à l’effort pour les patients atteints de SEP, sur le plan de la fatigue, des performances à la marche, de la force musculaire mais aussi sur la qualité de vie (9,10,11,12). Les résultats évoqués précédemment sont, bien sûr, le plus souvent observé dans le cadre d’une prise en charge rééducative en centre ou bien à domicile avec un programme pré établi dans une structure spécialisée et un suivi dans le cadre d’un protocole.

Mais il a été démontré que la pratique sportive régulière adaptée contribue également à améliorer la qualité de vie, Nous avons ainsi noté une meilleure impression de qualité de vie chez des personnes pratiquant une activité sportive régulière d’au moins une heure par semaine (13), ceci confirmait les travaux de Stuifbergen (14) qui constatait une diminution des activités physiques chez les personnes atteintes de SEP par rapport à une population en bonne santé, mais pour les patients pratiquant une activité physique régulière une meilleure perception de leur qualité de vie.

Au total la réponse vis à vis de la pratique d’une activité physique en piscine chez une personne présentant une SEP reste donc individuelle, fonction du handicap. L’activité physique, quand elle est possible, est certainement à encourager du fait des bénéfices certains sur le plan physique et de la qualité de vie. Il est important de respecter la fatigabilité, les objectifs doivent être clairs, sport n’est pas forcément synonyme de performance. L’activité aquatique garde une place à part entière, avec un plus certain des bains froids (20-26°) pour les personnes thermosensibles. Les bains chauds ne sont une contre indication formelle, mais l’effet de la chaleur sur les symptômes doit être bien évalué auparavant, et il est préférable de se faire accompagner au départ.

Bibliographie

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– Petrilli S., Durufle A., Nicolas B, Robineau S, Kerdoncuff V, Le Tallec H, Lassalle A, Gallien P. Influence des variations de la température sur la symptomatologie clinique dans la sclérose en plaques : étude épidémiologique. Ann Readapt Med Phys 2004 ; 47 : 204-8
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– Stuifbergen AK , Blozis SA , Harrison TC , Becker HA . Exercise, functional limitations and quality of life: A longitudinal study of persons with multiple sclerosis. Arch Phys Med Rehabil 2006;87(7):935-43.