Un portrait en provenance de la Martinique.

Je m’appelle (prénom anonyme ou pas) : Jean-Marc

Vous êtes ? : Un homme

Mon âge : 47 ans

J’ai une SEP : Oui

Pour dire ce que “vivre avec la SEP” signifie pour vous… :

J’ai 47 ans 8 mois et 15 jours et je vis avec une Sclérose En Plaques.

Le 01 janvier 2011, il y a 515 jours, 30 900 heures, 1 854 000 minutes, alors que tout le monde m’envoyait des vœux de bonne année, j’apprenais que ma “vraie maman”, (ma Grand-mère) celle qui pendant 17 275 jours, 1 036 500 heures, 62 190 000 minutes, avait toujours été là pour moi, était hospitalisée pour “insuffisance respiratoire” avec un diagnostic vital très engagé. Le dimanche 09 janvier 2012, son état s’est dégradé, elle m’a dit : “Marco, Maman va mourir” et au petit matin du lundi, elle s’est éteinte.

Ma vie a basculé, mais il fallait gérer, organiser son enterrement, veiller à ce que ses volontés soient accomplies dans les moindres détails. Puis j’ai repris le cours de ma vie m’efforçant chaque jour, de comprendre qu’elle n’était plus là.

Le 28 mars 2012, mon corps me donne des signes “bizarres” paresthésies au niveau de mes membres inférieures, ça à commencé par une sensation de “chaussures trop serrées” puis cela à envahit mes deux jambes jusqu’au niveau des lombaires. Mon médecin “traitant” m’avait prescrit du repos mais au bout de cinq jours, ne voyant rien évoluer, elle décide de me diriger vers le service des urgences du CHU à la Meynard (Martinique).

Là (j’arrive à 13h00 un vendredi) je suis pris en charge par un médecin urgentiste en un temps record (moins de 2 minutes) et suis soumis à une batterie d’examens jusqu’à 20h30. Puis conduit dans une chambre malgré ma protestation sur le fait que je n’étais pas venu pour rester.
Le lendemain, samedi 01 avril 2011, soit depuis ma naissance : 425 jours, 25 500 heures, 1 530 000 minutes, l’équipe du servie neurologie était à mon chevet.

Quelques examens plus tard, avec notamment la fameuse ponction lombaire qui n’est pas si terrible que ça, le diagnostic tombe :
“Vous êtes atteint de Scléroses En Plaques en sa forme rémittente”, une SEP, comme couramment appelée. Le choc psychologique dû au décès de ma chère “grand-mère” à été un facteur déclenchant d’une maladie non diagnostiquée auparavant. Sur l’instant, j’avoue avoir bien géré, pas de panique, pas de fatalisme, l’acceptation totale.

Ici commence le parcours de la prise en charge médicale, kinésithérapie, examen sanguin mensuel, injections trois fois par semaine, IRM réguliers, enfin plein de trucs impensables et voire même inimaginables quelques mois plus tôt.

Ma vie se poursuit, les amis proches, “la famille” sont à ce moment là, à mes cotés, j’avoue que dans les premiers temps avoir été très entouré. Mais le temps faisant son œuvre chacun retourne à sa vie et certains (je ne leur en veux pas) retourne à leur quotidien, “Jean-Marc va mieux…”.

C’est un bouleversement de vie qui entraîne inévitablement des répercussions émotionnelles et des remaniements psychiques. Les états émotionnels qui peuvent être ressenti : Le déni (forme de rejet de la maladie qui se manifeste par des réactions de fuite), L’agressivité (manifestée envers ses proches ou ses collègues, elle permet de projeter sur l’autre notre angoisse).

L’injustice (on se demande “pourquoi moi ?”, se sentant parfois comme persécuté).

Le sentiment d’échec (on se sent coupable d’être tombé malade, comme si c’était la conséquence d’une vie dans laquelle on n’est pas capable de réussir).

Je vis avec.

Mon entourage, mes Amis “ceux qui restent”, mes collègues de travail, supportent mon état avec ses hauts et ses bas. D’autres, ceux qui ne savent pas, ceux qui ne comprennent pas, ceux qui ne veulent pas avoir à gérer, se détournent de moi.

Avant, j’avais une vie chargée (comme la plupart des personnes), aujourd’hui je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus comment me positionner. Je n’ose plus sortir, je n’ose plus danser (alors que j’aime ça), je n’ose plus lier des liens avec d’autres (de peur d’être jugé). Je n’ai ni peur, ni honte de parler de ma maladie. Mais après face à l’incompréhension, la position du repli sur soi, parait être la meilleure attitude. Le travail reste mon seul exutoire, mais pour combien de temps encore ? Cela me donne la sensation d’exister.

Une vie sentimentale n’est même pas envisageable, comment imposer à une partenaire un rythme de vie non garantie et des humeurs imprévisibles ? Comment imposer une température de la climatisation en dessous de 20°( même avec une couette) ? Comment pourra t-elle comprendre qu’un jour ça va et que le lendemain ça ne va plus ?
Comment lui faire comprendre qu’au réveil ça va et qu’à 10h, ça ne va plus ?.

Elle pourra faire preuve de patience dans les premiers temps, être “au petit soin”, mais un jour elle se dira, ” et puis merde, je trouverai un autre homme que je n’aurai pas à soutenir”. Ça, je peux le comprendre, c’est la vie, le phénomène de survie, (chez certaines espèces les plus faibles sont abandonnés, chez d’autres par contre il existe la solidarité, c’est plus rare chez les humains.

Je n’ai pas perdu le gout de survivre, mais je dois apprendre à vivre avec ma maladie, et avec moi-même. Une nouvelle vie où seul l’introspection peut le permettre car face à cette maladie, même entouré on éprouve la sensation d’une immense solitude.

Vous connaissez quelqu’un qui est atteint de Sclérose en Plaques, ne la laissez pas tomber, ne lui tournez pas le dos. Aujourd’hui 30 mai 2012, Journée mondiale de lutte contre la sclérose en plaques, Cette année, le thème de la Journée mondiale est Vivre avec la SEP. L’objectif de la Journée mondiale de la SEP est de développer la prise de conscience autour du thème “Vivre avec la SEP : le quotidien, la vie en famille, le travail, la mobilité…”. Les personnes atteintes par la maladie sont placées au cœur de la campagne. Construite autour du concept des “1000 visages de la SEP”, chaque patient du monde entier a été invité à créer une carte postale pour dire ce que vivre avec la SEP signifie pour lui. Le 30 mai, ces 1000 visages seront dévoilés avec les messages, les histoires des malades ainsi que les témoignages de soutien. Cela permettra de fournir à toute la population des informations sur cette pathologie et sur la manière dont elle affecte la vie de plus de deux millions de personnes à travers le monde.

En Martinique, plus de 500 personnes sont atteintes de SEP, et le nombre ne cesse de grandir, en France La sclérose en plaques touche 80 000 jeunes adultes, dont 2/3 de femmes, 2 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.