Professeur Alain CREANCE – Service de Neurologie – Hôpital Henri-Mondor à Créteil. Avec l’autorisation de Madame Brigitte Mallet, article paru dans Facteur Santé (NAFSEP) N°87 mars 2004

S’il est bien connu que la sclérose en plaques peut s’associer à des symptômes très variés, le risque du tremblement est moins connu. On associe plus volontiers le tremblement à la maladie de Parkinson. Un tremblement est un mouvement involontaire susceptible de perturber les mouvement volontaire, caractérisé par des oscillations régulières. Le tremblement survenant au cours de la sclérose en plaques peut entraîner une gène fonctionnelle variable, mais parfois importante. Le tremblement peut rendre difficile certains gestes comme l’écriture ou la signature d’un document, ou de gestes plus simples comme la toilette (se laver les dents, se raser, ou se coiffer), voire l’alimentation (porter un verre à sa bouche sans renverser son contenu).

La fréquence du tremblement au cours de la sclérose en plaques est mal connue, et si le tremblement peut s’observer à tous les stades de la maladie, il débute rarement au début. A la différence du tremblement de la maladie de Parkinson, observé au repos, c’est-à-dire lorsque la personne ne fait aucun mouvement, le tremblement de la sclérose en plaques survient lors d’un mouvement volontaire. Il est dit intentionnel. Cela signifie qu’il est accentué lors du mouvement en particulier à la fin de celui-ci lorsque la main atteint sa cible.. Ainsi, prendre un verre peut être relativement aisé, mais le porter à sa bouche en lui conservant une bonne stabilité devient difficile.

Il existe plusieurs manières pour le neurologue de classer le tremblement en s’aidant de l’examen clinique. Les manœuvres effectuées consistent à tendre le bras devant soi, à porter l’index à plusieurs reprises sur le nez, ou encore à mettre les index face à face, bras repliés. Ces méthodes d’examen permettent de différencier et de préciser les caractéristiques du tremblement et des éventuelles anomalies neurologiques associées. Ainsi, outre le tremblement, le mouvement peut être perturbé par un manque de force, un trouble de la sensibilité, ou un syndrome cérébelleux responsable de mouvements trop amples et d’ajustement difficile du geste. Ces éléments sont très importants à évaluer de manière à pouvoir apprécier leurs parts respectives dans la gène fonctionnelle globale. Le neurologue évalue dans le même temps la localisation de ce tremblement. Celui-ci peut toucher le membre supérieur (la main, le coude, l’épaule ou l’ensemble), les membres inférieurs ou la tête.

Les médicaments utilisés pour traiter le tremblement de la maladie de Parkinson et le tremblement dit essentiel (celui qu’on aperçoit parfois chez des personnes âgées), n’ont pas d’efficacité dans le tremblement de la sclérose en plaque.
C’est pourquoi les médecins se sont intéressés aux traitements neurochirurgicaux des tremblements tels qu’ils sont pratiqués pour la maladie de Parkinson. Il existe deux types de traitement neurochirurgicaux des mouvements dits anormaux comme le tremblement. L’autre technique vise à stimuler, sans la détruire, cette même zone par des décharges électriques répétées. Pour le tremblement, la zone à stimuler porte le nom savant de noyau ventral intermédiaire du thalamus. Cette petite zone permet de modifier considérablement le mouvement. La stimulation s’effectue au moyen d’une électrode. Une électrode est une petite aiguille qui permet d’envoyer des décharges électriques répétées grâce à une liaison par fil à un stimulateur situé à l’extérieur du cerveau.

La pose de l’électrode est une intervention neurochirurgicale se déroulant au bloc opératoire sous anesthésie locale. Le neurochirurgien fait un repérage extrêmement précis de la zone du cerveau à atteindre et réalise une stimulation test pendant l’intervention. Ainsi, au cours de l’intervention, le patient réalise les mouvements, ce qui permet de juger immédiatement de l’efficacité de la stimulation et donc de la bonne position de l’électrode. On fixe alors l’électrode que l’on relie à un fil qui sort du crâne et est enfoui sous la peau. Quelques jours après, lors d’une deuxième intervention, les fils de l’électrode sont reliés à un boîtier (le stimulateur) qui envoie des stimulations électriques à l’électrode ; Ce boîtier est situé sous la peau, sous la clavicule, ce qui le rend très peu visible.

L’intervention nécessite une hospitalisation de plusieurs jours afin de réaliser les premiers réglages du stimulateur et optimiser son efficacité. Des réglages réguliers se font ensuite en consultation.
L’efficacité du traitement permet dans la majorité des cas d’obtenir une amélioration fonctionnelle non négligeable ce qui signifie, selon les cas, de tenir à nouveau un stylo pour signer, de porter un verre à sa bouche ou de manger sans aide, voire simplement d’être moins fatigué par ces mouvements continus. Ces résultats sont obtenus si l’indication est bien posée. Cela implique que tous les patients souffrant d’un tremblement, en particulier en cas d’anomalies neurologiques associées, ne doivent pas être opérés.

Ce traitement relativement lourd, car nécessitant une équipe spécialisée médico-chirurgicale, se déroule habituellement sans complication majeure.
Cependant, l’intervention requiert une évaluation neurologique précise et une technique neurochirurgicale très spécialisée. Il s’agit d’un traitement d’un symptôme et non de la maladie, c’est pourquoi il est nécessaire d’avoir par la suite des réglages réguliers du stimulateur afin de garder la meilleure efficacité possible.