Annie nous parle de son parcours avec la SEP, de sa vie professionnelle, de son expérience avec le club du rire et de sa passion pour le théâtre. (avril 2007)

Une histoire de sclérose en plaques

Un dimanche du printemps 1994, je me suis réveillée avec des fourmillements dans toute la partie gauche de mon corps.

De plus, je me sentais lasse, immensément fatiguée. J’avais 47 ans. Comme j’avais travaillé le samedi à l’agence (« charrette ») et que de plus j’avais fêté le soir le départ d’un ami en Russie, je me suis dit : « c’est normal, je suis crevée ». Et j’ai traité tous ces symptômes par le mépris.

Mais le dimanche soir, j’ai été prise d’angoisse et j’ai fait venir un médecin. Deux jours de repos. En traînant toujours cette fatigue, je suis retournée travailler et je suis aussi retournée voir un deuxième médecin, puis un troisième… puis un cinquième qui a eu enfin autre chose à me dire que « vous faites de la spasmophilie ! ».

Elle m’a envoyée chez un neurologue et puis tout s’est enchaîné très vite… jusqu’à l’hôpital « très connu ». Le diagnostic est tombé : sclérose en plaques.

Là, je me suis effondrée… Je ne savais même pas ce que c’était vraiment ! Dépression…

Dès que mes jambes ont pu me porter à peu près bien, en claudiquant un peu, je suis allée à l’ APF, où j’ai trouvé toute une série de fiches explicatives. Ce qui m’a le plus perturbée, c’était que cette maladie soit auto-immune. Que mon corps ait pu me jouer ce sale tour m’était intolérable ! ! !

Pour lutter contre une envie de pleurer constante et sur les conseils de mon neurologue, j’ai consulté un psychiatre. Deux ans.

Durant ces deux années aussi je suis allée voir un kiné, pour récupérer mon manque d’équilibre et une marche « normale ».

A la fin de mes séances, avec des amis et en riant beaucoup, j’ai pu faire de la danse africaine (enfin, j’ai essayé !) Toujours ça de pris pour le moral !

Au bout de trois mois, comme j’avais récupéré, j’ai replongé dans le travail comme une dingue : dans le métier que je fais (édition), on y passe des soirées, des week-ends. Evidemment, je n’avais pas oublié complètement l’épisode maladie, entre le neuro, le kiné et le psy…

D’ailleurs, en 2000, la SEP m’a rattrapée. Deuxième poussée : le stress et la fatigue aidant, un lundi de mai, je me suis réveillée avec le corps paresthésié, des pieds à la taille. Retour à l’hôpital… Cette fois-ci, je savais ce que j’avais. C’était plus simple dans ma tête et je connaissais le traitement.

Cependant, j’ai trouvé que l’hôpital s’occupait plus du corps que de la tête.

Et re-déstabilisation psychologique… Alors en sortant, j’ai entrepris une psychothérapie « transgénérationnelle ».

Deux ans à nouveau. J’ai pu la suivre aisément car j’avais en ma possession beaucoup d’éléments généalogiques. J’avais besoin de me situer dans la hiérarchie familiale. Les choses sont devenues plus claires dans ma tête avec mes proches. Se connaître, on le sait bien, permet de mieux connaître les autres.

J’ai retravaillé et je continue à travailler « en douceur » cette fois-ci. Je connais mon corps, je sais quand il ne faut pas dépasser les limites. Fatigabilité est une notion dorénavant claire pour moi. Je reconnais que j’ai eu beaucoup de chance au travail : mon président m’a épargnée et je ne suis plus en contact avec les clients (stress en moins). Je travaille un gros mi-temps (fatigue en moins). Je fais des siestes régulièrement. Quand j’ai des frissons, c’est mauvais signe !

Certes, j’ai adapté mon mode de vie à ma SEP. Il y a des choses que je ne peux plus faire (oh, je danserais bien un bon vieux rock endiablé !…).

Et j’aimerais souvent, pendant une heure, rien qu’une heure seulement (Brel)… ne plus avoir aucune douleur dans le ventre, les jambes, les chevilles, les doigts de pied.

Ah, ces fichues constrictions ! Et ce courant électrique permanent dans les jambes ! Et cette fatigue ! Et ces troubles des sphincters ! Et, et, et…

Mais surtout je continue à m’occuper de la santé de mon esprit.

J’ai participé à un club du rire il y a quelques années déjà. Deux ans aussi.

Vous pouvez nous en dire plus sur ce club du rire ? :

Quand j’ai participé au club du yoga du rire, c’était deux femmes psychologues qui l’animaient et la participation financière était minime (le loyer de la salle, une assurance au cas où !). C’était un des premiers clubs du rire sur Paris, maintenant il en existe beaucoup. Elles avaient suivi un stage en Inde avec le médecin indien Madan Kataria, “inventeur” de cette technique du rire. Deux sites : www.clubderire.com (où l’on peut voir le Dr Kataria) ou www.clubderire.free.fr.

Au début ce n’est pas facile de rire spontanément, mais des exercices appropriés, sous forme de jeux, faisant appel à notre créativité, permettent la mise en condition. C’est un moment où on doit se laisser aller complètement, où on oublie soucis, complexes, interdits… Imiter un lion qui rugit en écartant bien les mains permet de faire travailler tous les muscles correspondants. Vient ensuite le moment attendu par tous : laisser venir le fou rire. Et ça rit, et ça rit ! Une relaxation guidée permet de revenir au calme… enfin normalement car quelquefois des gloussements fusaient de ci de là et comme le rire est communicatif… tout le monde repartait à rire ! Après, on est un peu fatiguée (normal on fait bouger des muscles qui n’ont pas trop l’habitude de bouger), la tête tourne un peu (on respire à fond) mais on se sent bien. Et le lendemain cela permet d’avoir encore un sourire aux lèvres. Une chose encore, les animateurs ont une importance capitale, il faut se sentir en confiance…

Vous m’avez dit aussi que vous aimiez le théâtre ? :

Depuis quatre ans, je me suis inscrite à un organisme qui me permet d’aller souvent au théâtre. J’y vais une fois par semaine. C’est ma « drogue ». J’y ris, beaucoup, j’y pleure quelquefois. Il m’apporte plaisirs, émotions, découvertes, là, en tête-à-tête avec les comédiens. C’est tellement magique le théâtre.

A quinze ans, je voulais être tragédienne… Ce sont peut-être de vieux souhaits qui remontent à la surface de ma vie. Mais c’est tellement bon.

Vous appréciez quel genre de pièce ? :

Cela dépend de plusieurs paramètres. Des acteurs, du sujet, de l’écrivain, de la salle…
Vendredi dernier, je suis allée voir “L’arbre de joie” avec François Berléand (le sujet n’était pas tellement drôle mais c’était pour l’acteur). J’ai vu “L’avare” avec Michel Bouquet : un petit bijou quand on est fan de Molière et de Michel Bouquet. Je vais souvent au théâtre du Rond-Point parce qu’il offre trois salles et deux spectacles par salle, donc cela permet de monter pas mal de pièces. Quelquefois, je vais voir des comédies pour rire franchement. Le bouche à oreille fonctionne bien, je lis des critiques, et puis je suis abonnée à un organisme ( Starter Plus qui est un club associatif) qui me permet d’avoir des réductions. La brochure est vendue en kiosque et s’appelle Tatouvu Magazine. Le site internet : http://www.tatouvu.com/ (ce club fonctionne sur Paris et la proche banlieue).

C’est vrai que j’ai de la chance parce que la maladie, en se déclarant tardivement, ne m’a pas trop esquintée. Je croise les doigts et j’y crois. Pour qu’elle continue à m’oublier.

Bonne chance à vous.

Ayez toujours une passion, une envie, un désir à combler.

Merci Annie

Propos recueillis en Avril 2007