Notes prises lors de la conférence du 4 juin 2009 (à la délégation APF France handicap de Paris) – Docteur Isabelle Monteil-Roch Médecin Chef de Service de Médecine Physique et de Réadaptation du Pôle Paris Sud de la Fondation Hospitalière Ste Marie.

Nous remercions le Dr Monteil-Roch pour son accord concernant la diffusion de ce document.

Les Propos ont été recueillis par Anne-Sophie Sallé  et Sylvaine Ponroy.

Docteur Isabelle Monteil-Roch,

Médecin Chef de Service de Médecine Physique et de Réadaptation

du Pôle Paris Sud de la Fondation Hospitalière Ste Marie – 75014 Paris

Ce document est une prise de notes avec les propos recueillis autour de la présentation didactique du Dr Monteil-Roch.

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La SEP

La SEP est une maladie évolutive (pas de guérison) du sujet jeune. Elle touche donc souvent une population active professionnellement. Les formes cliniques sont variées et associées.

La fatigue est un des symptômes de la SEP, qui touche toutes ses formes : 90% des personnes atteintes de SEP en souffrent. Seuls 10% disent ne pas se sentir fatigués.

Fatigue et SEP

– C’est une fatigue quasi constante, qui est souvent difficile à comprendre pour l’entourage. Or l’incompréhension peut jouer sur l’estime de soi de la personne malade, ce qui peut aboutir à une perte d’emploi, un isolement social, ou encore un EDSS bas. Echelle de Cotation du Handicap (EDSS : Expanded Disability Status Scale).

– La fatigue est précoce, présente dès le début de la maladie. La fatigue est souvent même présente avant que le diagnostic ne soit posé, ce qui en fait un des premiers signes de la maladie.

– Elle n’est pas corrélée aux niveaux des handicaps.

– Les patients la décrivent comme une « brusque sensation d’épuisement », ou encore comme une « chape de plomb »

– Les médicaments ne fonctionnent pas (à part et seulement pour certaines personnes Mantadix et Modiodal).

– Elle se manifeste par une sensation de lassitude causée par l’effort physique, mais aussi l’effort intellectuel.

– L’épuisement fréquent + l’impression anormale et démesurée de pénibilité à l’effort = fatigabilité.

– La fatigue n’est pas corrélée à l’intensité de l’effort

– La récupération est bonne après un temps de repos, sauf si la personne a un comportement de lutte contre la fatigue : Si je suis fatigué et que je refuse de faire un temps de pause, je fais un effort supplémentaire = je suis épuisée.

Plus on s’épuise plus il faut des temps de récupération plus longs.

Il est important de savoir s’arrêter, même 2 minutes, pour reprendre ensuite une activité.

– La fatigue est exacerbée par le chaud (température supérieure à 30°). Il est donc préférable d’éviter l’exposition au soleil, mais aussi la balnéo ou la thalassothérapie, qui se pratiquent en eau chaude.

– La fatigue est variable dans une même journée : Le malade est souvent plus fatigué le matin que le soir, d’où un sentiment d’incompréhension. La personne va par exemple être capable de faire son transfert la veille au soir, mais plus le matin. Il importe donc de former les proches et les professionnels, afin que cette spécificité soit comprise.

– La fatigue diminue les performances. Si je suis fatigué, je ne peux pas me concentrer. La dégradation fonctionnelle, intellectuelle ou physique peut aboutir à des chutes, des traumatismes et une perte de la confiance en soi.

– Pendant longtemps, il a été conseillé aux personnes atteintes de SEP de ne rien faire quand elles se sentent fatiguées. Or si on ne fait rien, on arrivera de moins en moins à faire quelque chose.

– Un réentraînement à l’effort est important pour aller plus loin.

– La qualité du sommeil est aussi à prendre en compte lorsqu’on parle de fatigue. Il importe de bien dormir pour se reposer. Or les troubles vésico sphinctériens, ou encore la spasticité peuvent détériorer la qualité du sommeil, ce qui occasionnera bien entendu une fatigue supplémentaire.

La personne peut aussi, comme tout un chacun, avoir des préoccupations ou d’autres choses qui n’ont rien à voir avec la SEP, qui peuvent impacter son sommeil.

– Dépression et SEP : il est difficile de faire la part des choses. La dépression génère de la fatigue, ce qui entraîne une diminution de l’estime de soi. Il importe de vérifier les facteurs dépressifs.

– La fatigue n’est pas en relation avec l’importance de la charge lésionnelle à l’IRM

– Il y a une composante musculaire (ce qui n’est pas spécifique de la SEP). Il peut alors se produire une désadaptation à l’effort.

– Il est possible d’apprendre à gérer sa fatigue !!

Principes de Rééducation Fonctionnelle

– Il s’agit d’alterner les temps de pauses, de travail actif, de travail passif.
Le travail actif correspond aux moments où le patient est actif : il travaille son équilibre, sa marche, ses transferts, fait du sport. Lors du travail passif, c’est le kiné qui travaille : les muscles sont détendus, ce sont des temps d’étirements, de repos.

Il faut se connaître et reconnaître les signes avant-coureurs de la fatigue (fourmillements, le pied qui accroche etc.) afin de gérer son effort. Ce signe est propre à chacun, toujours le même pour une personne donnée. Si on se repose à ce moment là, la récupération sera plus rapide.

Il est important de bien connaître cette dimension, car elle permet d’élaborer des protocoles de rééducation individuels, adaptés au niveau neurologique.

– Il faut renforcer les groupes musculaires. Ce travail de renforcement musculaire est très important, s’il est bien fait.

– En cas d’hospitalisation, il est important d’indiquer qu’il faut mobiliser le patient, sinon, la perte d’autonomie peut être très rapide et longue ensuite à récupérer.

– Chaque fois que l’on fait des efforts il faut faire des étirements pour récupérer. En cas de spasticité, il faut même faire des étirements avant l’effort.

– Pas de thalasso, les soins et les bains supérieurs à 30°

Par contre, les bains en piscine recommandés (24° à 25° pour travailler) la limite 28°

– La cryothérapie (application de froid) est à conseiller. Les douches froides ou bains froids sont bénéfiques.

– Le réentraînement à l’effort est directement inspiré du milieu sportif. Tapis roulant, Motomed, vélo, …, on peut tout faire, en fonction de son niveau neurologique. Les sports en milieu aquatiques sont particulièrement adaptés

– Dans la SEP on ne peut se contenter de mesurer la fréquence cardiaque car la fatigue s’installe avant même l’augmentation de la fréquence cardiaque et non l’inverse. C’est pourquoi des protocoles reposant sur des % de fréquence cardiaque ne sont pas les plus adaptés.

– Les deux limites à la pratique du sport sont le niveau neurologique de la personne et la compétition : le stress et la course à la performance liée à la compétition sont à éviter.

– Demander à son neurologue de prescrire de la rééducation en centre.

– Il est moins de fatigant d’être hospitalisé, que de venir en hospitalisation de jour.

– Une bronchite peut empêcher de marcher, un abcès à la dent mais pas une carie.

– Attention aux épines irritatives : les plaies, problèmes de pieds, troubles urinaires

L’ergothérapie

L’ergothérapeute va agir à plusieurs niveaux :

Rééducation par l’activité

  • Action sur le déficit
  • Action sur les incapacités

Réadaptation

  • Action sur l’environnement

Prévention vie quotidienne

– Aménagement du temps de travail : ce serait une erreur d’arrêter d’emblée de travailler.

– Gestion des problèmes médicaux (poussée, hospitalisation, chirurgie ;..)

– Information du patient et de son entourage.

– Formation des auxiliaires de vie.

– Utilisation rationnelle et précoce des aides techniques : il vaut mieux gérer la sécurité du patient, que de lui faire plaisir en ne lui prescrivant pas de canne parce qu’il n’en veut pas.

– L’adaptation simple du domicile est importante.

– Il faut optimiser son énergie. Si on s’épuise à faire sa toilette seul et qu’on est par la suite tellement fatigué qu’on ne peut plus rien faire, quel est l’intérêt ???

Mieux vaut avoir recours à des auxiliaires de vie.

Orthophonie

On ne peut pas gérer la fatigue sans gérer le reste. D’où l’intérêt du bilan neuropsychologique.

La prise en charge des troubles cognitifs

  • 40 à 65 % des patients souffrent de troubles cognitifs
  • Mémoire, attention, vitesse de traitement de l’information, capacités d’abstraction
  • Ils sont plus fréquents et plus sévères dans les formes PP que SP
  • La dépression est associée dans 50% des cas
  • Problème d’évaluation : il n’y a pas d’échelles spécifiques validées
  • La rééducation n’est pas spécifique. Il est très important de les prendre en charge de manière précoce.

Psychologue

– Dépression chez 50 % des patients : ce n’est pas normal d’être déprimé, il existe des traitements.

– L’évolutivité qui caractérise la SEP nécessite pour le patient une adaptation constante à la maladie.

– Prise en charge du patient et /ou de son entourage.

– Problème du non remboursement en libéral.

– Il ne faut pas faire «comme si la SEP n’existait pas, sinon c’est perdu d’avance ».

Douleurs

La douleur aggrave le vécu psychologique de la maladie.

A noter aussi qu’une personne SEP peut comme tout le monde avoir des douleurs qui ne sont pas liées à la SEP.

Douleurs neurologiques

  • Traitements classiques médicamenteux
  • TENS : appareil d’électrothérapie. Des électrodes sont placées sur la zone douloureuse et produisent de légères décharges électriques.
  • Désensitization (technique de kiné qui correspond à un massage profond puis effleurement)

Douleurs mécaniques

  • Machine à picots
  • Acupuncture

Spasticité

La spasticité n’est pas spécifique à la SEP. « Ça tend en bas, ça plie en haut ».

– Il importe de faire une évaluation fonctionnelle pour déterminer si la spasticité est utile ou gênante.

– Il faut traiter les épines irritatives : les troubles vésico-sphinctériens peuvent avoir par exemple des répercussions importantes sur les adducteurs.

D’une manière générale, la spasticité est à considérer comme un signal que quelque chose dysfonctionne.

– Une prise en charge kiné doit être mise en place.

– La cryothérapie peut être intéressante. Le froid améliore la conduction nerveuse. Il peut être intéressant avant et après l’effort.

Troubles urinaires

Quelqu’un qui se lève 4 fois par nuit pour aller aux toilettes se repose moins bien. Ce n’est pas une fatalité, il faut en parler.

Résultats

– Il faut élaborer un contrat initial avec le patient. Le médecin ne peut pas gérer la fatigue à la place du malade. Il faut donc avoir la participation du patient.
– Il faut accepter qu’il y a des jours avec et des jours sans.
– C’est une prise en charge au long cours
– Les modalités sont variées : libéral, hospitalisation de jour, centres, …

Limites à la rééducation

Symptômes cérébelleux

  • Compensation
  • Aides techniques

Troubles cognitifs

  • Apprentissage
  • Transfert des acquis

Participation du patient : contrat d’objectifs.

Remarques :

– Docteur Monteil prône la rééducation post poussée. La récupération de la fatigue liée à la poussée est plus rapide.

– Un séjour de rééducation en hospitalisation dure 3 à 4 semaines.

– Le réapprentissage de la marche n’est pas facile et demande beaucoup de concentration. Fatigue +++. Il est souvent dans un premier temps plus difficile de pratiquer la « nouvelle » marche que l’ancienne. Ne pas hésiter à reprendre l’ancienne ponctuellement en cas de besoin.