Portrait d’Isabelle
« J’ai 34 ans, il y a 6 ans j‘ai mis au monde mon 4ème enfant.
Après un accouchement plus que difficile j’ai eu beaucoup de mal à refaire surface.
J’avais l’impression de marcher « comme sur un nuage », ma vue était trouble et j’étais si fatiguée. Mon médecin m’a dit que c’était normal : « avec 4 enfants c’est logique, vous vous attendiez à quoi !!».
Il a voulu me mettre sous anti-dépresseurs, sous somnifères…
Mais j’ai toujours refusé, je ne savais pas ce qui se passait mais je savais que je ne faisais pas une dépression, même si mon entourage commençait également à le croire.
Un an après nous avons déménagé en province, mes maux continuaient, je tombais très fréquemment et on ne trouvait toujours rien.
J’ai repris mon travail de secrétaire avec beaucoup de fierté car le travail est assez rare dans notre région.
Mon couple battait de l’aile car après la journée à l’extérieur et la soirée à s’occuper des enfants, il m’était bien difficile de penser à autre chose qu’à dormir ; et personne ne comprenait ma mauvaise humeur ou mes coups de blues.
Et puis un jour ma vue sur l’oeil droit c’est très nettement aggravée, je suis donc allée voir un ophtalmo. Là ce fut la grosse claque, elle m’a dit « soit c’est la sclérose en plaques, soit c’est une tumeur au cerveau ». J’ai donc passé une IRM, j’avais très peur du résultat.
Lorsque j’ai su que c’était la SEP, j’ai été très soulagée, d’abord parce qu’entre les 2 solutions celle-ci me paraissait la moins mauvaise et ensuite parce qu’au bout de 2 ans je savais enfin ce que j’avais, non je n’étais pas folle.
– Isabelle votre diagnostic a été posé en quelle année ? :
En février 2004. J’ai donc commencé à me soigner par cortisone en intraveineuses. Mais les poussées continuaient. J’ai donc eu de l’interféron 3 fois par semaine, mais cela n’a pas été une grande réussite.
J’étais de plus en plus fatiguée et les poussées me rendaient de plus en plus dépendante.
J’ai été obligée d’arrêter de travailler, je ne pouvais plus rester devant un écran plusieurs heures de suite et je ne pouvais plus me concentrer. J’ai donc demandé à être reconnue handicapée, c’est une étape très difficile à accepter, de plus les dossiers sont si longs et difficiles à monter que l’on perd facilement patience. Mais au bout d’un an c’est enfin résolu.
Aujourd’hui je suis soignée avec une sorte de chimio, la mitoxantrone, c’est un traitement qui fatigue beaucoup mais je marche mieux.
– Avez-vous après l’annonce du diagnostic dû revoir vos projets ? Fait des choix différents ? :
Je pensais pouvoir continuer à vivre normalement, le choix s’est fait tout seul il y a un an lorsque j’ai arrêté de travailler. J’étais très active (parents d’élèves, trésorière au comité des fêtes, membres de diverses associations…) Mais cela faisait trop de choses à gérer, j’ai gardé les parents d’élèves mais je manque un peu d’activités “valorisantes”.
J’ai la chance d’être à présent très bien entourée. Mon mari est toujours avec moi, il m’aide comme il peut, mais des personnes extérieures viennent à la maison pour les actes quotidiens de la vie.
J’estime que ce n’est pas le rôle de mon mari, ce n’est pas toujours facile pour lui car je ne suis plus celle qu’il a épousé il y a 16 ans, mais en faisant des compromis tous les deux, on arrive à avancer.
– Votre mari a-t-il été aidé ? Avez-vous beaucoup parlé avec lui ? :
Non il n’a pas été aidé, ce qui est sûrement un tord, mais il n’en a pas vu l’intérêt, il ne parle pas beaucoup avec moi, il espère tellement je j’aille mieux.
– Vous dites que vous êtes aidée pour les actes quotidiens : combien de personnes viennent chaque jour ? :
J’ai 2 personnes qui viennent m’aider au rythme de 4 heures par jour.
Elles m’assistent pour mes besoins vitaux (faire à manger, me laver, m’emmener faire des courses, sortir), j’ai enfin retrouvé un intérieur rangé et propre, ce qui fait du bien au moral.
– Ces personnes ont une certaine place au sein de votre famille, comment cela est-il vécu par vous, votre mari, vos enfants ? :
J’avoue que parfois c’est un peu pesant car il est difficile de trouver un juste milieu pour continuer à être CHEZ SOI, et pas seulement spectateur.
Mes enfants et mon mari le vivent bien à part parfois ma grande fille qui n’aime pas trop que l’on mette le nez dans ses affaires, donc on fait attention.
– Vos enfants comment cela se passe t’il ?:
Mes enfants savent exactement ce qui m’arrive je n’ai rien voulu leur cacher et ils m’aident beaucoup, c’est à présent eux le moteur de ma vie. Je ne peux plus les accompagner en vélo ou faire du ping-pong, mais je les aide autrement et ils sont très proches de moi.
– Vous semblez avoir instauré un climat de complicité avec vos enfants, pouvez-vous me dire ce que vous avez développé de particulier avec eux ? Une écoute plus approfondie ? Un regard sur la vie différent ?:
Il me semble que mes enfants ont appris la tolérance vis à vis des gens qui les entourent, ils savent qu’être différent ne veut pas dire être anormal.
Nous discutons beaucoup ensemble, ils sont très attentionnés, n’hésitent pas à m’aider, à me donner le bras pour marcher. Avant d’avoir de l’aide extérieure, il est arrivé à ma fille de 14 ans de m’aider à prendre ma douche par exemple.
Ils savent que lorsque je dis ” je n’en peux plus” c’est pour de vrai.
– Qu’aimez-vous faire ? :
Les choses que j’aime faire, je ne peux plus les faire, je suis donc dans une période où je me cherche. Etant à la campagne il n’y a pas grand chose d’organisé. J’aimerais aller à la piscine (30kms) et je vais tout faire pour y arriver.
Je pense aussi qu’il ne faut surtout pas se couper des autres et qu’il ne faut pas hésiter à expliquer ce qui nous arrive. La SEP est encore bien mal connue on perd parfois des amis, mais ceux qui restent vous apportent beaucoup et vous rendent plus fort.
– Les amis, il y a ceux qui sont partis, ceux qui sont restés (les vrais), et les nouveaux amis comment sont-ils ?:
Les nouveaux amis sont ceux qui ne me posent pas toujours des questions dès qu’ils me voient, ils me prennent comme je suis si je leurs dit que je ne peux pas venir ou que je suis fatiguée, ils comprennent.
Ceux qui sont partis avaient des fois l’impression que je simulais que je faisais exprès, que je profitais du système et oui je ne suis pas encore en fauteuil donc ce n’est pas toujours visible à l’oeil nu. Ceux là j’ai arrêté de les voir.
Il est très difficile de se sentir diminuée mais la vie apporte tellement de belles choses et cela vaut tout de même le coup d’être vécue. »
Isabelle
Propos recueillis par Sylvaine Ponroy – APF Ecoute Infos – en Avril 2007
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