Catherine : ” Pendant le pont du 8 mai 2000, je perçois des difficultés à tourner mon pied droit. La cuisse et le genou changent de direction mais je dois insister sur le pied. Mais bon, il fait beau, c’est le week-end, on verra ça plus tard…” 4 pages.

Le même texte sans les photos :

Catherine : la question était “Nous avons besoin de votre témoignage concernant les 5 premières années faisant suite au diagnostic de votre sclérose en plaques … ”

Pendant le pont du 8 mai 2000, je perçois des difficultés à tourner mon pied droit. La cuisse et le genou changent de direction mais je dois insister sur le pied. Mais bon, il fait beau, c’est le week-end, on verra ça plus tard.

Dimanche soir, je ne peux plus couper ma viande, je me demande ce qui se passe et décide de contacter mon Dr le lundi matin. Mais en voulant me lever, c’est tout le côté droit qui ne répond plus et je dois me tenir au mur pour marcher.

Le médecin arrive en 5 mn, fait bloquer le scanner de L’hôpital de St Cloud et me conduit lui-même.

Voilà la grande cavalerie de lancer avec l’artillerie lourde d’examens. Hospitalisation, le scanner ne montre rien, mon compagnon arrive en urgence. Manifestement le cas est sérieux, il m’annonce même qu’il a brûlé un cierge à l’église, de quoi vous remonter le moral !!!

Pour ma part, je m’en fous…….je suis enfin à l’horizontal et je vais me reposer. Depuis le début de l’année, je suis épuisée. Vivre avec un président de société n’est pas de tout repos, les horaires de monsieur sont anarchiques et de mon côté j’encadre 60 ingénieurs en informatique, plus les enfants et la maison. Je ne suis pas vraiment surprise, j’ai trop tiré sur la corde !!!

Lendemain, IRM…..là on découvre de la « masse blanche », le radiologue refuse de m’expliquer, on verra plus tard, je suis fatiguée. 2ème jour, ponction lombaire. 4ème jour, un neurologue de la Salpétrière vient me voir. Il pense à qqchose mais ne pourra confirmer que dans un mois au retour des résultats de la PL.

Et là, j’ai compris, je ne sais pas comment, mais je sais que j’ai une Sep. Je ne connais rien à cette maladie mais j’ai un ordinateur et je parle anglais, j’arriverais bien à me documenter.

Je quitte l’hôpital au bout de 12 jours pour y revenir une semaine après. Suite à un choc émotif, le côté gauche est paralysé. Encore une semaine sur le dos.

– Votre état d’esprit en apprenant le diagnostic ?:

Je suis tellement fatiguée, on pouvait me raconter n’importe quoi, ce que je voulais, c’était me reposer et là, à la tête des gens autour de moi, je pense pouvoir le faire pendant longtemps.

Une maladie grave ….. Ce ne sera pas la première. … Je ne vis que dans le stress, mais je remonte toujours la pente.

Je me renseigne sur la maladie. Le Canada propose un site très documenté, à l’époque c’est presque le seul. Les RDV avec le neurologue sont chaleureux et rassurants. Je ne suis pas inquiète, je sais comment je fonctionne, je vais remonter à la surface, simplement cette fois ce sera plus long. Et ce sera très long car c’est la forme progressive et il faut absolument la bloquer par des doses massives et pendant longtemps de cortisone.

– Ce que vous avez changé dans votre manière de vivre ?:

– TOUT. On ne peut pas continuer de la même façon.

D’abord la machine fonctionne au ralenti surtout le cerveau (m’en reste-t’il ???). On parle beaucoup du corps dans cette maladie mais on oublie trop de parler des séquelles du cerveau dues à la maladie et à la cortisone. Enfin de journée, je n’arrive plus à parler correctement et surtout je n’ai plus aucune mémoire. (Au début je faisais des post-it pour me souvenir, mais j’oubliais où je les avais collé. Ensuite, ils étaient tous sur la porte d’entrée, au moins mon fils ou mon ami pouvait les contrôler).

Ensuite, il faut refaire connaissance avec soi-même. Physiquement d’abord. On ne se reconnaît plus, on a doublé de volume, boursouflé, le regard vide. Psychologiquement, on se sent diminué, « handicapé » de la tête. On se demande ce que l’on est encore capable de faire au jour le jour.

C’est un réapprentissage, une redécouverte de soi-même. On a des questions et pas encore de réponses.

Le regard des autres sur vous ?:

J’ai trouvé beaucoup de chaleur et d’amitié. J’ai été particulièrement entourée et cocoonée, même par des personnes que je connaissais peu. Les amis sont restés fidèles et présents et d’autres se sont joints à eux. J’ai eu beaucoup de chance et beaucoup de douceur, c’était une excellente thérapie.

6 ANS PLUS TARD

Ce que vous avez changé dans votre manière de vivre

Ce qui a changé dans le regard que vous portiez sur vous-même… ?
:

Après une telle catastrophe, on est enfin philosophe, on a grandit.

Le matin, on se lève, on marche ……….alors c’est une belle journée, on a gagné. On va profiter au maximum de cette journée, demain on verra. Et quand au fil des années, on recommence tous les matins, on se dit que c’est vraiment gagné surtout si en plus le radiologue vous parle de rémission totale.

Conclusion : plus de stress. Si je marche, c’est plus fort que tout. Bien sûr je ne peux plus courir, mais à 51 ans, a-t-on encore besoin de courir ???

Bien sûr, on a eu une rechute quand le compagnon est parti au bout de 15 ans, qui a laissé un petit claudiquement quand je suis fatiguée en fin de journée. Mais, là aussi, il faut rebondir dessus. Il faut se protéger, se mettre dans le coton, pour éviter les contrecoups.

Maintenant j’ai appris à dire NON, je passe avant les autres (enfin presque), je me respecte et respecte mon corps. Si je sens le besoin de me reposer, je le fais et ne tire plus sur la corde. Mes enfants sont d’ailleurs plus gentils, plus respectueux.

Je suis assez fière de moi. Je n’ai embêté personne avec mes misères et je sais surtout en faire rire mes amis et me moquer de moi. J’ai réussi à rester très indépendante et je sais profiter des joies simples de la vie. Je n’ai jamais été aussi gaie de ma vie et si j’ai un petit problème, je m’en sers toujours de tremplin pour rebondir.

On choisit l’Etre et non plus le Paraître. On accepte enfin l’idée que l’on ne peut être parfait, on accepte ses faiblesses.

Les craintes que vous avez pu avoir concernant les traitements, le choix, leurs interférences ?

Les traitements n’étant pas anodins, j’ai dû prendre beaucoup de renseignements. Pour la cortisone, j’ai dû prendre un traitement contre l’ostéoporose puis un autre pour soigner .

Quand ensuite on m’a proposée l’interféron, j’ai pris 3 semaines de réflexion. L’homéopathe assurait ses grands dieux qu’il ne fallait surtout pas en prendre, proposant des traitements parallèles venus de Suisse, où une alimentation particulière, etc…

Ils sont drôles, tous. On voit bien que ce ne sont pas eux qui risquent le fauteuil à roulettes. Entre 2 maux, il faut choisir……. Une fois ma décision prise et acceptée, j’ai opté pour l’interféron par injection 3 fois par semaine. A petite dose, ma machine accepterait mieux.

Résultat, je n’ai jamais eu aucun symptôme, hormis une petite céphalée après la 1ère injection et il y a de cela 6 ans maintenant. Par contre, les plaques récentes ont disparu grâce à l’interféron.

Par contre je suis devenue diabétique insulinodépendante et ça, c’est vraiment pénible. 4 injections par jour et plus de bonbons, l’horreur !!!

LA MORALITE DE L’HISTOIRE

Je l’aime bien ma sep, c’est une amie. Elle m’a beaucoup appris et permis d’avoir une vie plus belle. Elle sait se rappeler à moi si j’en fais un peu trop. Parce qu’il y avait danger, elle m’a aussi permis d’exprimer vraiment ce que je voulais de ma vie.

Il y a 2 ans, j’ai quitté Paris où j’étais née et avais toujours vécu avec mon fils Thomas. Nous nous sommes rapprochés de Julie, sa sœur, qui vit à Cannes. Sous le soleil et les palmiers, il fait toujours beau. C’est excellent pour le moral.

J’élève des chats Siamois/orientaux, j’ai des teckels, des chihuahuas, des oiseaux dans le jardin et des tortues terrestres.

Mes amis de Paris descendent très souvent me voir et avec les moyens modernes de communication, on se parle presque tous les jours.
Je me suis fait de nouveaux amis ici et le climat m’a permis de retrouver beaucoup d’énergie.

Sur que ce n’est pas rose tous les jours. Il m’a fallut 1 an ½ pour récupérer doucement de la crise et c’est à ce moment que mon compagnon m’a quittée. Quand il pleut, les douleurs reviennent et je suis toute cassée. L’hiver, il m’arrive d’avoir besoin de 12 heures par nuit, le reste de la journée passe très vite !!!

Par ce témoignage, je souhaite surtout faire profiter d’autres malades. Je veux montrer que l’on peut vivre avec cette saloperie et même bien vivre.

Il faut parler de cette maladie, arrêter de la considérer comme une maladie honteuse. Éviter les « pub » en noir et blanc… On a fait des progrès, on peut ajouter de la couleur, la recherche avance……..

Merci Catherine pour ce témoignage.

Propos recueillis par Sylvaine Ponroy – APF Ecoute Infos

27 Septembre 2006