Les nons-dits, le manque de communication à des enfants sur la maladie de leur mère, Patrick raconte…
Vous vouliez nous dire ce que vous aviez sur le cœur.
Patrick, nous vous laissons la parole.
« Je m’appelle Patrick, j’ai 33 ans. On a diagnostiqué à ma mère une SEP, il y a 17 ans suite à une perte de sensibilité dans les jambes.
Une fois, le diagnostic posé suite à un IRM, ça a tout d’abord été le branle bas de combat dans la famille. Nous sommes partis mon père, ma mère, mon frère et moi chez le Docteur Kousmine pour consultation. Je me rappelle très bien avoir attendu des heures sur le parking de ce petit village sous un soleil de plomb. La cuisine s’est vue d’un coup métamorphosée avec des petites graines qui poussaient au dessus du réfrigérateur, du boulgour, du poisson et de la viande cuits au cuit-vapeur et autres spécialités macro biotiques que toute la famille devait s’ingurgiter.
Vous pensez bien qu’à 16 ans et 12 ans pour mon frère on a envie d’autre chose que ces petites spécialités exotiques.
Mon père ne nous a jamais rien dit ouvertement sur la maladie, peut être de peur de la réveiller. En tout cas, rien sur les conséquences physiques comme la fatigue mais surtout psychologiques comme la dépression, l’irritabilité, la susceptibilité accrue. La fatigue est en plus, un symptôme qui est très difficile à comprendre, surtout pour les bien-portants et conduit à des erreurs de communication énormes : “Mais tu fais exprès …”, Ma mère n’a accepté aucun suivi psychologique.
Petit à petit, le centre de la famille s’est déplacé sur ma mère qui monopolisait toutes les attentions de ses 3 hommes, et en particulier la
mienne en tant qu’aîné (Œdipe de base).
Tout était assujetti à l’état de santé instantané de ma mère. Pas de projet de famille parce que ça dépend si maman est fatiguée ou non, pas de déplacements programmés, parce que maman dort mal, des colères inexpliquées de sa part et surtout toute initiative familiale constructive brisée par cette épée de Damoclès omniprésente et omnipotente.
Dieu merci, les symptômes physiques n’ont que très peu évolués. Elle a des difficultés à coordonner les mouvements du bras et souffre toujours de cette fatigue.
Aujourd’hui c’est moi qui suis dépressif et en traitement, parce qu’il y a 17 ans, mon père nous a un peu caché la vérité. Je n’arrive pas vraiment à avancer dans la vie parce que j’ai intériorisé Damoclès et cette peur constante. C’est triste à dire, mais je préférais voir ma mère en fauteuil roulant et constructive, qu’en forme moyenne et destructive, voire détruite par le diagnostic.
Mon frère a également peur consciemment d’être malade et nous sommes tous les deux très hypocondriaques, très anxieux, avec une peur bleue de la maladie.
La maladie n’est sûrement pas la seule raison de cette situation.
En tout cas, je ne souhaite pas que cette situation se reproduise pour les prochaines générations, au XXI ème siècle.
Aussi je propose une sorte de cellule de crise et de soutien psychologique actifs, dès le diagnostic à la sortie de l’IRM avec :
– réunion de l’ensemble des proches et de la famille,
– communication adaptée des symptômes de la maladie et de leur
évolution,
– un suivi obligatoire psychologique avec des points réguliers et une aide
trimestrielle,
– la création d’un réseau de proches de malade pour échanger les
meilleures pratiques.
Voilà, je suis prêt à défendre mon projet devant n’importe qui. En particulier, les grands professeurs pressés, qui relâchent dans la nature
très vite les malades pour accueillir le patient suivant.
Merci de votre écoute. Je ne sais pas si ça aide, mais au moins moi, ça me
fait du bien.
Bien à vous »
Nous vous remercions Patrick pour ce témoignage.
Le 19 décembre 2007.
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